"Il s'était assis sur le vieux muret entourant le jardin, à l'endroit où un grand figuier offre de l'ombrage. Le dos appuyé contre la maison, une jambe dans le vide, l'autre repliée. Il semblait somnoler sous son capuchon. Près de lui, la faux au manche de bois noir et noueux, patiné par le contact de ses doigts calleux, semblait abandonnée. La lame effilée et rouillée était ébréchée par les coups et usée par les affûtages, mais le fil en était étincelant.
Alice apparut sur le chemin. Elle avançait à pas lent, s'aidant d'une canne, le regard vissé vers le sol. Il ne sembla pas la reconnaître immédiatement. Il gardait d'elle le souvenir d'une fillette rose et pétillante à la longue chevelure blonde. La vieille qui venait n'avait pas ces atouts. Pourtant, quand elle ne fut plus qu'à quelques pas, elle releva le visage et, à cet instant, au-delà des traits ridés, de la peau tannée, il retrouva la frimousse d'antan telle qu'il l'avait imaginée dans le livre. Elle se plaça devant lui, le dévisagea sans marquer de surprise, soupira, et d'un mouvement des épaules, lui démontra que sa présence n'était pas un souci.
— Te voici enfin ! Dieu que tu as mis du temps !"