"Brêmont, le 4 mars,
Chère Clotilde,
Toute cette affaire devient de plus en plus étrange et j'en arrive à me demander si mon oncle est bien disparu en mer.
Je me suis rendu ce matin à la première heure à l'étude du notaire pour lui demander pourquoi la
clef ne fonctionnait pas. Il m'a soutenu que c'était la seule clef pour cette maison mais que la
serrure était certainement un peu grippée. Me conseillant de forcer, il me fit comprendre qu'il avait
à faire et me montra la sortie. Dehors, les gens me regardaient comme si j'étais un lépreux. Je
retournai donc à la maison afin de me débarrasser de toute cette affaire et revenir auprès de toi
au plus vite.
Certainement à cause des pluies diluviennes qui avaient battu la falaise, l'odeur écœurante de
champignons pourris de la veille était déjà très présente bien avant que j'arrive en vue de la
maison. Oh, d'ailleurs, j'ai appris par l'espèce d'ivrogne qui tient l'hôtel qu'on appelle cette odeur
“l'haleine du Diable” dans la région. Quand je lui demandai pourquoi on appelait la maison de mon
oncle “la maison du Diable”, il me rota une vague histoire de sorcier local qui aurait été enterré il y
a bien longtemps là où se trouve la maison actuellement. Enfin, une légende comme on en entend
dans tous ces petits villages.
Quelle ne fut pas ma surprise quand, en arrivant devant la maison, je découvris la porte
entrouverte. Résistant à l'envie de courir jusqu'au village pour m'expliquer avec ce notaire qui me
paraissait de moins en moins clair, je poussai le panneau de bois spongieux qui s'écarta en
grinçant. Bravant la crainte que quelque individu mal intentionné m'attende caché dans une des
pièces, j'entrai." (extrait de "L'homme qui surveillait la mer")