« Assis sur un accoudoir, le petit être qui portait l'identification d'un C12 regardait à travers la verrière du gravitant, en tortillant machinalement les poils de son avant-bras. Quand le signal de fin de charge se fit entendre, il se leva et débrancha l'œuf tueur de la prise du tableau de bord, en tremblant d'émotion. Il faisait presque nuit. Ses yeux fixèrent un moment une des entrées de la grande demeure de Sandrila Robatiny. Elle avait disparu dans cette ouverture depuis deux minutes environ. Dès que son prestigieux véhicule s'était posé dans l'herbe grasse, elle avait pris cette direction d'un pas vigoureux. Le jeune quadrumane était alors sorti de sa cachette, derrière un siège, et l'avait regardée
s'éloigner avant de recharger son arme. Il avait fait ça par précaution, ce n'était pas vraiment
nécessaire ; l'accumulateur avait complété sa charge en quelques secondes. La verrière était
restée ouverte. Le silence était sobrement orné, çà et là, par les rares cris de la forêt et le discret
frémissement des majestueuses frondaisons. Le ciel magnifique, déjà piqueté d'étoiles
diamantines, appelait à la contemplation. Mais il était temps d'agir.
Il descendit. L'herbe était légèrement humide ; c'est avec plaisir que ses mains ressentirent la vie
de ce sol. Il n'accorda cependant pas d'attention à cette sensation, qui resta fugitive, son esprit
étant trop accaparé par son but. Tout en marchant vers l'entrée, il tâta l'œuf tueur dans sa main
droite, caressant
du pouce le bouton déclencheur. La sécurité était retirée. Une simple pression… et la mort
sortirait. Il ne prit pas garde au cylindre vert, qui ralentit pour lui laisser le passage, une des
nombreuses tondeuses maniaques qui s'occupaient du terrain alentour. La vaste habitation n'était
jamais fermée, ni même gardée. Qui aurait pu tromper la vigilance des systèmes qui veillaient sur
le périmètre du domaine ? Il entra prudemment dans l'ouverture empruntée par l'Éternelle et
s'arrêta, aux aguets. »