« La plaine était grise et sèche comme une chose morte, parcheminée par le soleil. La pluie n'y descendait jamais, et les graines apportées par le vent s'y desséchaient avant de percer leur enveloppe. Seuls à y vivre, de lents lézards gris aux écailles rugueuses, d'une telle immobilité et d'un aspect si minéral qu'un œil distrait les eût pris pour des cailloux. Nul ne savait où ils se procuraient leur nourriture. Les hommes, en général, se tenaient à l'écart de la plaine. Ils la nommaient Désolation et racontaient qu'elle n'avait pas été créée en même temps que le reste du monde, mais qu'il s'y trouvait autrefois une vaste vallée verdoyante. Comment elle s'était transformée en un soudain désert de cendres, c'était une chose depuis longtemps oubliée. Cela s'était produit en ces jours fabuleux où le monde était jeune. Parfois des voyageurs s'aventuraient sur la route étrangement droite, blanche comme l'os, qui se déroulait à perte de vue à travers la plaine. La plupart n'en revenaient jamais. Ceux qu'on voyait revenir, au bout de quelques semaines, ne pouvaient raconter que la soif, le soleil et le désespoir. C'étaient toujours ceux qui étaient revenus sur leurs pas, ayant perdu tout espoir de parvenir un jour de l'autre côté de la plaine. »